Le passage suivant, quoiqu’il soit moins populaire que Deutéronome 18 et Jean 14-16, est probablement en troisième position des textes les plus cités comme trouvant leur accomplissement en Muhammad . Ce passage illustre également les arguments les moins convainquants que les partisans islamiques aient pu avancer. Et pourtant, des vidéos conséquentes circulent sur internet, présentant ce texte comme une mention «claire» et «saisissante» de Muhammad dans la Bible. Il se trouve que beaucoup de musulmans, de part le monde entier, acceptent cela sans aucune réserve.

Je fais ainsi référence à la revendication populaire (là aussi avancée par Ahmed Deedat et répétée ensuite par plusieurs) que le nom Muhammad même se trouve dans le texte original, c’est-à-dire dans la Bible hébraïque. Où exactement? En Cantique des Cantiques 5:16 :

Son palais n’est que douceur,
Et toute sa personne est pleine de charme.
Tel est mon bien-aimé, tel est mon ami,
Filles de Jérusalem!

Permettez-moi d’expliquer la signification du passage ci-dessus afin de pouvoir correctement examiner cette revendication islamique. Cette portion de l’Ecriture est une célébration de l’amour ordonné par Dieu dans le mariage, issue des paroles d’une fiancée exprimant son amour pour son futur époux. Certains exégètes chrétiens ont aussi vu dans ces mots une tonalité prophétique pointant vers la relation entre Christ et Son Eglise. Toutefois, il s’agirait là alors de l’accomplissement d’un thème (christologique) plutôt que de l’intention originelle de l’auteur.

Dans la description de son amour pour son futur époux, la fiancée déclare que la bouche de ce dernier est mam’takkim (en Hébreu), “très douce”. Ensuite, de façon poétique, elle dit qu’il est machamaddim, “pleine de charme”. Notez le parallèle, mam’takkim et machamaddim. Le second terme a pour racine chamad, lequel signifie désir, chose désirable,” “objet précieux”, et “ce qui est agréable aux yeux”. Il est utilisé treize fois dans la Bible hébraique. Ici au pluriel, il est employé au superlatif; ainsi donc “le plus désirable”, “le plus agréable”, sont utilisés par la fiancée pour décrire le futur époux.

Qu’est-ce que ceci a donc à voir avec Muhammad? Et bien, logiquement, linguistiquement et historiquement parlant, rien du tout. Mais nombreux musulmans croient qu’ici, précisement, se trouve le nom de Muhammad dans la Bible. Ignorons un instant les problèmes inhérents au passage d’une langue à une autre, même concernant les langues de la même famille (l’hébreu et l’arabe sont des langues sémitiques mais possédant des différences de structure grammaticale et syntaxique). Les Musulmans sont passés de machamaddim à machamad (singulier) à Muhammad, concluant finalement qu’ici donc, dans la langue originelle, se trouve le nom de Muhammad!

Il est difficile de prendre une telle argumentation au sérieux, et pourtant plusieurs le font.

Pour commencer, si chaque mention de ce terme est une référence à Muhammad, est-ce vrai que:

  • Mohamed a été saisi et sorti d’une maison (1Rois 20:6)?
  • Mohamed a été détruit et livré au feu (2 Chroniques 36:19)?
  • Mohamed a été dévasté et transformé en ruine complète (Esaie 64:10)?

Si ce n’est pas le cas, pour quelle raison? Ne serait-il pas logique et cohérent d’y voir une mention de Muhammad à chaque utilisation du terme machamaddim? Il est donc évident qu’une telle méthodologie est terriblement erronée et aboutirait à la “découverte” de toutes sortes de choses dans n’importe quel texte de langue étrangère, et ce, sans véritable fondement.

En Arabe, plusieurs mots proviennent de la même racine, sans pour autant tous dénoter Muhammad. Un musulman naïf pourrait tout aussi affirmer que le nom de Muhammad apparaît en Surah 1, Al Fatihah, verset 1: Alhamdo lillahi Rabbi ‘lalamin (“Loué soit Dieu, le Seigneur des mondes”). De la même façon, un Hindu pourrait dire que le nom de Ram ou une autre de ses divinités était mentioné dans le Coran, parce qu’au verset 1 de Surah 30, Ar-Rum, il est écrit “les Romains ont été vainqus”. Ce type d’argument est indigne de la part d’hommes instruits et capables de jugement!

Il est aussi intéressant de noter que beaucoup de musulmans sont outragés qu’un texte tel que Cantique des Cantiques, qui est une chanson d’amour utilisant parfois un langage érotique, puisse faire partie de la Parole de Dieu, la Bible. Mais ensuite, ils “oublient” complètement cette critique et essaient de trouver le nom de Muhammad, sans être le moins du monde embarrassés, au milieu même de ce poème d’amour exprimant le désir d’une femme pour son amant. Considérez tout ce qui est dit à propos de Cantiques des Cantiques 5-6. L’argumentaire est le suivant: ceci ne devrait pas être dans la Bible, un langage aussi érotique étant indigne de la Parole de Dieu, mais il s’agit néanmoins d’une prophétie au sujet de Muhammad.

Le Coran revendique que Muhammad est spécifiquement mentionné dans la Torah et l’Injil. Par conséquent, un autre problème est dans le fait que bien que les musulmans essaient de trouver une mention biblique de Muhammad pour confirmer les affirmations du Coran, le Cantiques des Cantiques ne fait partie ni de la Torah, ni des Evangiles, de sorte que même s’il parlait de Muhammad, ce verset (Can 5:16) ne serait d’aucune utilité pour satisfaire cette revendication Coranique.