En août 2015, les images de dizaines d’adolescentes nigérianes vêtues de burqas, enlevées de leur école par Boko Haram, circulent dans le monde entier. La même année, l’État islamique (EI) capture des milliers de femmes yazidies. L’EI soutient que ces femmes sont des butins de guerre et que l’esclavage sexuel est une pratique approuvée par le Coran.

Bien sûr, beaucoup de musulmans n’approuvent pas les pratiques de l’EI, mais leurs raisons nous éclairent. Dans une lettre ouverte à l’EI, écrite par 140 érudits musulmans, nous pouvons lire ce qui suit : « Après un siècle d’accord entre musulmans sur l’interdiction de l’esclavage, vous l’avez violé. Vous avez pris des femmes pour en faire vos concubines […]. »[1] Ils soutiennent que Muhammad était favorable à la libération des esclaves. C’est peut-être vrai, mais pour autant, ils ne vont pas jusqu’à dire que Muhammad ne permettait pas l’esclavage sexuel. Ce n’est pas ce que disent les annales, et l’EI le sait. Malheureusement pour ces 140 érudits musulmans et pour le reste du monde, l’EI ne s’intéresse pas au consensus des savants musulmans d’il y a cent ans, mais à l’exemple de Muhammad au VIIe siècle.

L’islam permet-il l’esclavage sexuel ? Pour répondre à des questions comme celle-ci, il nous faut agir comme les musulmans ont toujours agi : interroger le hadith. Lorsque nous examinons l’exemple de la vie de Muhammad, plusieurs récits nous montrent que Muhammad ne se contentait pas d’autoriser l’esclavage sexuel. Il encourageait également les musulmans hésitants à utiliser sexuellement les femmes qu’ils venaient de capturer.

Les citations suivantes établissent le contexte du verset coranique 4:24 :

Abu Sa‘id al-Khudri a dit: L’Apôtre d’Allah a envoyé une expédition militaire à Awtas à l’occasion de la bataille de Hunain. Ils ont rencontré l’ennemi et ont combattu avec eux. Ils les ont battus et leur ont pris des captifs. Certains des Compagnons de l’Apôtre d’Allah étaient peu disposés d’avoir des relations sexuelles avec les femelles captives en présence de leurs maris qui étaient incroyants. Puis Allah, le Plus Haut, a envoyé le verset Coranique: (4 :24) « Et toutes femmes mariées (sont interdites) excepté celles (les captives) que votre main droite possède. » [2]

Peut-être craignaient-ils que les femmes ne tombent enceintes, ou se montraient-ils hésitants parce que leurs maris étaient encore en vie. Quoi qu’il en soit, le hadith nous rapporte que ce n’était pas seulement Muhammad qui les encourageait, mais « Allah le Très-Haut » lui-même. Le hadith explique que le verset coranique 4:24 a été révélé spécifiquement afin que les hommes n’hésitent plus à avoir des rapports sexuels avec des femmes captives dont les maris étaient encore vivants.

Considérons le sort des Banu Mustaliq, une tribu arabe :

… le prophète avait brusquement attaqué les Banu Mustaliq sans avertissement alors qu’ils étaient sans crainte et que leur bétail s’abreuvait aux points d’eau. Les hommes combattants ont été tués et les femmes et enfants pris comme captifs…[3]

Dans le cas présent, les hommes de Muhammad ont violé les femmes (avec son approbation) après avoir exterminé les hommes.

« Abu Sirma a dit à Abu Sa’id al Khadri (Allah soit satisfait de lui): O Abu Sa’id, tu as entendu le Messager d’Allah (paix soit sur lui) mentionner au sujet d’Al-azl ? Il a dit, « oui », et a ajouté : « Nous sommes sortis avec le Messager d’Allah (paix soit sur lui) sur l’expédition au Mustaliq et avons rendus captives quelques excellentes femmes arabes ; et nous les avons désirés car nous souffrions de l’absence de nos épouses, (mais en même temps) nous avons également désiré une rançon pour elles. Ainsi nous avons décidé d’avoir des rapports sexuels avec elles mais en observant l’azl « (retirer l’organe sexuel masculin avant émission de sperme pour éviter la conception). Mais nous avons dit : « Nous faisons un acte tandis que le Messager d’Allah (paix soit sur lui) est parmi nous ; pourquoi ne pas lui demander ? » Ainsi nous avons demandé au Messager d’Allah (paix soit sur lui) et il a dit : « Il n’importe pas si tu ne le fais pas, pour chaque âme qui doit être soutenue jusqu’au jour de la Résurrection sera soutenue. »[4]

En quoi le viol d’une femme captive est-il un acte d’auto-défense ?

Dans les faits, les femmes esclaves ont été traitées comme une simple marchandise par Muhammad et son groupe de disciples dévoués :

Ibn Ishaq dit à ce sujet : Puis l’Envoyé de Dieu fit le partage des biens des Banû Qurayzah , de leurs femmes et de leurs enfants entre les musulmans. […] Puis, l’Envoyé d’Allâh envoya Sa’d b. Zayd al-‘Ansârî, frère des Banû ‘Abd al-‘Ashhal, à Najd avec des femmes captives, de Banû Qurayzah, pour les vendre et acheter en échange des chevaux et des armes.[5]

Ce hadith décrit un raid typique. Les femmes et les enfants sont capturés alors qu’ils tentent de fuir les assaillants musulmans :

Abou Bakr nous a ordonnés de faire une courte halte pendant la nuit, puis l’attaque a été lancée en traversant les eaux. Il y eut des tués et des prisonniers. J’ai regardé un groupe de gens parmi lequel se trouvait des femmes et des enfants. J’avais peur qu’ils n’atteignent la montagne avant moi, alors j’ai tiré une flèche entre eux et la montagne. Quand ils ont vu la flèche, ils se sont arrêtés. Je les ai ramenés et parmi eux il y avait une femme de Bani Fazâra qui portait un manteau de cuir.[6]


Le narrateur musulman voit les femmes tenter de s’échapper (après le massacre des hommes) et coupe leur route en tirant une flèche sur leur passage. Ces femmes ne cherchaient pas à se réfugier auprès des musulmans. Elles essayaient d’éviter d’être capturées par les musulmans.

Le même hadith raconte ensuite que Muhammad a exigé l’une des femmes capturées pour son usage personnel :

Je les ai ramenés et parmi eux il y avait une femme de Bani Fazâra qui portait un manteau de cuir. Elle était accompagnée de l’une des plus belles filles des Arabes. Je les ai emmenés jusqu’à Abou Bakr qui m’a donné en butin sa fille. Nous sommes arrivés à Médine et je ne l’avais pas dénudé. J’ai rencontré le Messager de Dieu au marché, il a dit : « Ô Salama ! Donne-moi cette fille ! »[7]

Après avoir conquis la Mecque, le prophète de l’islam a également ordonné l’exécution de deux « filles chanteuses » qui s’étaient moquées de lui en vers :

… deux chanteuses Fartana et son amie qui souvent chantaient des satires contre l’envoyé ; alors il ordonna qu’on les tue tous.[8]

Ces récits de la vie de Muhammad ont influencé les musulmans tout au long de l’âge classique de l’islam et modelé leurs règles de guerre. C’est à ces récits que l’EI se réfère aujourd’hui.

L’EI ne captive pas seulement les femmes mais aussi les garçons. Des récits horrifiants ont récemment secoué le monde : des garçons capturés étaient forcés d’enlever leurs vêtements et d’affronter l’exécution s’ils présentaient des poils pubiens. Mais une fois encore, cette pratique s’inspire de la manière dont Muhammad a traité les juifs qurayza. Muhammad avait ordonné que les enfants ne soient pas tués en guerre, à l’exception des raids nocturnes. Lorsqu’un groupe de personnes était capturé, comme les juifs qurayza, les garçons étaient donc séparés des hommes et les hommes exécutés. Les poils pubiens étaient le critère de séparation. (Sunan Abu Dawud 39.4390) L’EI s’est contenté de s’approprier ce récit de la vie de Muhammad et de l’appliquer à ses propres circonstances.

Dans la mesure où Muhammad autorisait cette pratique, nous comprenons mieux pourquoi les Turcs seldjoukides n’avaient aucun scrupule à capturer les garçons et à faire d’eux des guerriers esclaves. Ce fut d’ailleurs également le cas de pratiquement toutes les autres dynasties musulmanes. Muhammad lui-même a réduit à l’esclavage des garçons juifs. Si l’on considère que leurs pères ont tous été décapités ce jour-là, on pourrait presque parler d’un acte de clémence.

La pratique classique du djihad et ses manifestations considérées comme « islamistes » ou « radicales » aujourd’hui sont donc souvent une simple tentative d’imiter Muhammad. Ceux qui plaident en faveur d’une pratique de l’islam plus pacifique n’ont d’autre choix que de suivre l’un des trois schémas suivants : 1. Nier complètement l’exemplarité de la vie de Muhammad. 2. Proclamer que les enseignements de Muhammad ne sont plus d’actualité, à l’image des 140 érudits musulmans. 3. Désavouer certaines parties de la vie de Muhammad telles que l’histoire nous les rapporte, comme le fait le musulman ordinaire.





[1] Lettre ouverte à Al-Baghdadi, 14 septembre 2014, (www.lettertobaghdadi.com)

[2] Sunan Abu Dawud 11. 2150, cf. aussi Muslim 3433, 3371 et Sahih Bukhari 3.46.718

[3] Sahih, Bukhari 46/ 717

[4] Sahih Muslim, livre 008, Numero 3371

[5] Ibn Ishaq, page 466

[6] https://sunnah.com/muslim/32/54

[7] idem

[8] Ibn Ishaq/Hisham 819, Abu Dawud 2684 & 2683, Sunan an-Nasa’i 4067